Actualités de la recherche scientifique

Par Antoine Bioy, Expert Scientifique de l’IFH
Professeur de psychopathologie et psychologie médicale (Université de Bourgogne) – Docteur en psychologie clinique

Vector illustration of Light bulb idea with human brainCommençons par les actualités dans le soin. Kamen et coll. (2014) confirment l’intérêt de l’hypnose dans les nausées et vomissement liés à la chimiothérapie chez les patients atteints de cancer (avec l’avantage très formel de ne pas nécessiter de matériel et que le patient peut apprendre l’autohypnose et donc pratiquer seul). Toujours dans le cancer, une étude prospective de Paquier et coll. (CHU de Poitiers) montre l’intérêt d’une séance d’hypnoanalgésie accompagnant la photothérapie dynamique (traitement de lésions cancéreuses ou précancéreuses). Les conclusions restent, pour les auteurs, à confirmer avec une méthodologie plus contrôlée qu’ils ne l’ont fait. Cependant, ils ajoutent une pierre importante à d’autres déjà posées. Ainsi, toujours en dermatologie, cette étude fait écho par exemple à ce qu’avait fait Maillard et coll. (2007) pour valider l’intérêt de l’hypnose lors de l’injection de toxine botulique dans l’hyperhydrose palmaire. Sur un autre sujet, Kekecs (2014) montre que la suggestion dans un cadre de l’éducation thérapeutique a le même effet dans le cadre de la chirurgie de la cataracte. Et dans le champ de l’hypnosedation, Martin et coll (2014) montrent que des suggestions au réveil permettent à des enfants après une amygdalectomie de consommer 70% moins d’antalgiques. A noter une présentation claire du protocole et surtout une publication du script utilisé.

Citons une publication qui n’est pas une recherche en tant que telle mais dont le thème est peu fréquent : celui de l’hypnose en médecine d’urgence (Iserson, 2014). L’article s’interroge sur pourquoi une « mésentente » entre les deux domaines. A priori, une mauvaise connaissance des preuves scientifiques, la croyance persistante que l’hypnose demande forcément du temps, et du calme pour être pratiquée serait à incriminer. Des recherches plus spécifiques en médecine d’urgence permettraient certainement de réduire ces arguments.
Enfin, Jensen et Patterson (2014) livrent une très bonne analyse des connaissances actuelles sur la façon dont l’hypnose agit sur les douleurs chroniques. Ils dégagent trois axes cliniques essentiels qui résultent des connaissances que nous avons : l’autohypnose constitue la voie de chronicisation des soulagements, il est important de fixer avec le patient des objectifs qui vont au-delà de la simple diminution de la douleur et enfin il est nécessaire de travailler avec le patient autour des « espoirs raisonnables », autrement dit sur le niveau réaliste de changement qu’il est possible d’atteindre. On voit bien qu’au-delà de la technique, c’est une construction pertinente de la stratégie thérapeutique qui va avoir un intérêt.
En hypnothérapie, partons une nouvelle fois vers la question du tabac, l’une des indications prototypiques de l’hypnose, en même temps qu’elle est l’objet de nombreuses controverses quant à son efficacité réelle et notamment vis-à-vis d’autres pratiques. Hasan et coll. (2014) montrent de façon claire que l’hypnothérapie est plus efficace que les substances nicotiniques pour maintenir l’abstinence tabagique post-hospitalisation. A 12 semaines, c’est la combinaison hypnose/substituts qui est la solution la plus efficace alors qu’à 26 semaines, l’hypnothérapie seule offre de meilleurs résultats que la combinaison que nous venons de citer. Peut-être du fait que l’utilisation de la nicotine maintient malgré tout un lien à la consommation plus importante que si l’on mobilise seulement les ressources du patient, en dépassant le besoin métabolique ? A noter qu’il s’agit bien d’hypnothérapie, c’est-à-dire de l’usage de l’hypnose dans un cadre psychothérapeutique (ici en approche rogérienne). Quant à Rüther (2014), il rappelle que l’hypnose présente un intérêt pour diminuer la dépendance tabagique chez des patients possédant des troubles psychiatriques. A propos de psychopathologie et en neurosciences, Connors et coll. (2014) confirment le lien entre l’hypnotisabilité, la propension aux productions délirantes et les organisations « schizo » (ici, schizotypie). Autrement dit, l’hypnose est bien à considérer sur un continuum allant du normal au pathologique. Mais ils montrent par l’usage de deux suggestions (non reconnaissance de son image dans le miroir et suggestion dite de Frégoli : parmi les étrangers, une personne qui se déguise l’espionne) que cela est plus complexe. L’hypnotisabilité n’étant pas toujours prédictive de la réussite des suggestions, il semble exister des facteurs « antérieurs » et qui interviennent dans les processus à l’œuvre. Ils restent à découvrir.

Citons l’étude la plus déroutante de ce trimestre : Carvalho, Mazzoni et Kirsch (2014) cherchent à savoir si les suggestions post-hypnotiques peuvent modifier l’adhésion aux bonnes conduites en santé (ici, de l’exercice physique) ? De façon assez étonnante, les auteurs montrent une diminution du niveau d’adhésion avec ou sans suggestion hypnotique, indépendamment du niveau d’hypnotisabilité, du type et du niveau de difficulté de la tâche à réaliser. Les explications sont encore hypothétiques. Ce qui pourrait être incriminé est que les suggestions post-hypnotiques ne sont pas à proprement parler des cognitions automatiques, et qui donc dureraient dans le temps. L’adhésion à un comportement dans le temps ne serait donc pas plus facilité qu’avec d’autres modalités. Gageons que d’autres études restent à venir sur ce point.

Terminons par un article de Walsh et coll. (2014) sur une vieille technique « exotique » en hypnose : l’écriture automatique (utilisée bien sûr par Erickson, mais avant lui par d’autres personnages illustres comme Ferenczi, durant sa période d’usage de l’hypnose). Ils apportent des preuves neuroscientifiques de la diminution du contrôle, du sentiment d’appartenance d’un mouvement « à soi » et de la conscience de sa propre écriture. La double conscience est à l’œuvre. On est bien loin des explications plus « spiritualisantes » parfois données…

 Références bibliographiques

Carvalho C, Mazzoni G, Kirsch I. “ The Effect of Posthypnotic Suggestion and Task Difficulty on Adherence to Health-Related Requests ”. Psychology of Consciousness: Theory, Research, and Practice. 2014, Vol. 1, No. 1, 92–102
Connors MH. “ Hypnotic analogues of delusions: The role of delusion proneness and schizotypy ”. Personality and Individual Differences 57 (2014) 48–53
Hasan FM et al. “ Hypnotherapy is more effective than nicotine replacement therapy for smoking cessation: Results of a randomized controlled trial ”. Complementary Therapies in Medicine (2014) 22, 1-8
Iserson KV. “ An hypnotic suggestion: review of hypnosis for clinical emergency care ”. The Journal of Emergency Medicine, Vol. 46, No. 4, pp. 588–596, 2014
Jensen MP, Patterson DR. “ Hypnotic Approaches for Chronic Pain Management “. American Psychologist, Vol. 69, No. 2, 167–177
Kamen C, et al. “ Anticipatory nausea and vomiting due to chemotherapy “. European Journal of Pharmacology 722 (2014) 172–179
Kekecs Z et al. “ Effects of patient education and therapeutic suggestions on cataract surgery patients: A randomized controlled clinical trial ”. Patient Education and Counseling 94 (2014) 116–122
Maillard H,Bara C, Celerier P. “ Intérêt de l’hypnose dans les injections palmaires de toxine botulique » A. Ann Dermatol Venereol 2007;134:653-4.
Martin S et al. “ Effects of Therapeutic Suggestion Under Anesthesia on Outcomes in Children Post Tonsillectomy ”. Journal of PeriAnesthesia Nursing, Vol 29, No 2 (April), 2014: pp 94-106
Paquier-Valette C, Wierzbicka-Hainaut E, Cante V, Charles S, Guillet G. « Évaluation de l’hypnose à visée antalgique dans la photothérapie dynamique ». Annales de dermatologie et de vénéréologie (2014) 141, 181-185
Rüther T et al. « EPA Guidance on tobacco dependence and strategies for smoking cessation in people with mental illness ”. European Psychiatry 29 (2014) 65–82
Walsh E. et al. “ Using suggestion to model different types of automatic writing ”. Consciousness and Cognition 26 (2014) 24–36

 

HTB-33-50Article paru dans la revue hypnose et thérapies brèves n°33
Mai / Juin / Juillet 2014
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