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Portrait d’hypnopraticien – 5 questions à… Mireille Guillou

Mireille Guillou, Psychologue clinicienne auprès des personnes âgées et formatrice à l’IFH.

Pourriez-vous nous citer votre parcours (formation, expériences professionnelles, fonction actuelle) ?

J’ai un DESS de psychologie clinique et pathologique. J’ai passé un DU d’étude et de prise en charge de la douleur. J’ai suivi à l’IFH la formation d’hypnoanalgésie ainsi que celle d’hypnothérapie.
Cela fait 22 ans que je travaille en gériatrie, au centre Jacques Parisot et au Centre Florentin à Nancy avec des horizons d’intervention variés : la rééducation de la personne âgée, la personne âgée en SSR (locomoteur, neurologie, PARD – patients à risque de dépendance).
J’interviens dans ces services autour de 3 principaux axes de travail : la psychothérapie, les évaluations neuro-psychologiques, l’hypnoanalgésie – hypnothérapie ainsi que des accompagnements de fin de vie. La polypathologie de la personne âgée oblige à bien ouvrir sa pratique.
Depuis 4 ans j’ai également une activité libérale et je suis formatrice à l’IFH depuis deux ans.

Comment êtes-vous venue à la pratique de l’hypnose et qu’est-ce que cette méthode vous a apporté ?

Je crois que tout a commencé par une question que l’on me posait et à laquelle je ne savais jamais répondre : quand les antalgiques n’avaient pas l’efficacité attendue, on me demandait de vérifier si la douleur ne se passait pas dans la tête du patient. Je ne savais jamais répondre à cela. J’avais réellement un problème avec la douleur. A cette époque, les CLUD n’existaient pas… Alors j’ai voulu approfondir ce sujet en m’inscrivant au DU d’étude et de prise en charge de la douleur, il y a 10 ans, sous l’oeil sceptique des médecins.
Avec ce DU j’avais un début de réponse : « La douleur est ce que le patient dit qu’elle est ». Il s’agissait aussi d’appréhender la plurifactorialité du message douleur éventuellement indépendant de la lésion. La douleur doit être considérée comme une entité en tant que telle et faire l’objet d’une approche pluridisciplinaire et donc dynamique psychosomatique ou somatopsychique au sens large.
J’ai eu alors le sentiment d’approcher mieux le phénomène douloureux. Dans ce DU, une psychologue et une psychiatre sont venues parler de leur expérience de l’hypnose : ce fut alors pour moi une évidence. L’hypnose, comme un tableau à double entrée, une interface entre soma et psyché, offre un accès fabuleux à la dynamique du vivant.

On a souvent dans nos pratiques « le » cas, celui qui nous a fait comprendre quelque chose d’important, ou qui nous a fait « grandir » plus rapidement dans la pratique. Avez-vous déjà connu cela avec un patient ?

Je repense à un patient hémiplégique gauche souffrant d’une phobie du vide du côté sain. Un handicap dans le handicap qui limitait ses possibilités d’autonomie. Il ne pouvait plus traverser sa salle de séjour. Un jour il m’accueille en me racontant une visite de sa nièce avec son enfant de 18 mois et toute sa fascination pour les efforts de motricité de ce petit : le mouvement dans sa spontaneité, sans calcul. Nous avons fait une séance d’hypnose centrée sur des souvenirs de mouvements spontanés, d’autonomie, d’avant la phobie du vide, de projet d’autonomie qu’il aimerait retrouver ( intégrant l’hémiplégie sans la phobie) qui le satisferait.

Il est parti en hypnose faire ce qu’il savait/pouvait faire avant : sortir faire le tour du pâté de maison. Nous avons suivi le trajet proposé par sa mémoire, au pavé près, en retrouvant les sensations… Il est sorti de sa transe, comme avec une nouvelle verticalité, je ne sais pas ce qui m’a poussée à lui proposer : « on y va ? ».
Il s’est mis debout, et s’est mis en route, a choisi une canne simple ( le kinésithérapeute n’arrivait pas à le faire marcher avec une canne tripode ) et nous avons quitté l’appartement, au rythme de cette démarche d’ours si caractéristique, c’est moi qui ai pris peur devant l’ascenseur en me disant « si tu te retrouves coincée dehors avec lui et ses limites qu’allez vous faire ? ».
Je lui ai dit ma peur en trichant un peu, je lui ai dit avoir peur des ascenseurs. Il a « pris la main » et c’est lui qui m’a emmenée. Il n’était pas sorti depuis 8 mois. Un peu long, 2h, mais inoubliable. Le kiné a eu beaucoup de mal à nous croire. Tout ne fut ensuite pas réglé, mais cela lui a permis de recalculer son autonomie, de se réapproprier des objectifs, entre ce moment d’exploit et son immobilisme juste avant. Ce que l’hypnose a permis là c’est un réajustement, comme un au revoir à l’autonomie d’hier avec de nouveaux possibles à sa mesure pour aujourd’hui. Il a décidé ne pas avoir besoin de refaire cela mais il a pu retraverser son séjour confortablement. Un beau travail entre corps et psyché, comme une validation. Et puis la mise en évidence de la nécéssité de vivre la confiance comme une cause et comme un effet.

Vous travaillez plus particulièrement avec une population de personnes âgées qui est souvent réputée pour être plus difficilement hypnotisable. Du fait de votre expérience en la matière, que pouvez-vous en dire ?

Si vous vous promenez au milieu de personnes âgées institutionnalisées, vous pouvez vous rendre compte que la majorité d’entre elles, bien que présente physiquement, semble abstente mentalement, comme ailleurs. Les regards sont tournés vers une interiorité. Et parfois pour les rencontrer il est nécéssaire d’aller les rechercher là où elles sont, il peut même être nécéssaire d’insister… Cela ressemble bien à une présence/absente, à une dissociation… un état en rapport avec l’hypnose. Ainsi, si les personnes âgées répondent moins bien aux échelles de suggestibilité, elles peuvent néanmoins entrer dans un état de conscience modifiée.

En pratique, pouvez-vous nous indiquer quelques grandes dimensions de particularités de l’hypnose chez cette population ?

La particularité c’est de chercher où elles sont quand elles sont absentes ( leur mémoire, le monde de tous leurs souvenirs ) pour leut apprendre à y retourner volontairement quand la réalité douloureuse les en fait sortir.Se remettre en lien avec les souvenirs, avec la mémoire, très précise dans son inscription sensorielle et affective, permet d’accéder à un matériel qui va permettre de voyager loin de l’ici et maintenant.
C’est aussi à partir de cette mémoire vivante que le thérapeute pourra restimuler chez la personne âgée une présence plus incarnée.


Le Portrait Chinois de l’Hypnose par Mireille Guillou

Si l’hypnose était une œuvre d’art, quelle serait-elle ? Le tableau  » La Fenêtre ouverte  » de Pierre Bonnard
Si l’hypnose était un personnage, quel serait-il ? Saint Augustin
Si l’hypnose était un lieu, quel serait-il ? Poudlard
Si l’hypnose était un animal, quel serait-il ? Un chat
Si l’hypnose était un élément de la nature, quel serait-il ? Le vent
Si l’hypnose était une musique, quelle serait-elle ? Un Chant Sacré
Si l’hypnose était un souhait, quel serait-il ? Redonner de l’élan au vivant

> Lire également l’interview de Mireille Guillou par Géroscopie

Mise en ligne : février 2012